Un an de lutte pour Sabri "On veut quoi ? La vérité!"
Samedi 22 mai, à Argenteuil (95), la famille, les ami•es et les proches de Sabri Choubi marchait en sa mémoire et pour exiger que lumière soit faite sur les circonstances de sa mort, il y a un an.
« Lorsque la famille arrive sur les lieux, la première version qu’on leur donne c’est : « votre fils a percuté une autre moto, il a fait un face à face avec un ami. Mais le lendemain, il n’y a plus de moto. Les parents apprennent dans les médias qu’il a percuté un poteau. Nous, on dit simplement que quand les policiers avancent une version et qu’après elle change, on a le droit d’avoir des doutes, on a le droit d’avoir le seum. » tient à rappeler Omar Slaouti, élu municipal, enseignant et membre du collectif Lumière(s) pour Sabri, avant que la marche ne s’élance.
Dans la nuit du 16 au 17 mai 2020, en sortie de confinement, Sabri Choubi meurt au volant de sa motocross, à proximité de la BAC d’Ermont. Lorsque ses parents arrivent sur place, prévenus par les amis de Sabri, la police les empêchent d’approcher de leur fils. Ces amis ne seront jamais auditionnés.
« Ca ne colle pas, ça ne colle pas ». Sabrina, la maman de Sabri, et Carole, sa tante, énumèrent les nombreuses zones d’ombre du dossier (voir l’article détaillé de MES pour LaMeute ici ), peu avant le départ de la marche.
Ensuite, il y a la question des caméras : « elles sont nombreuses dans la rue concernée, pourtant seulement deux ont été versées au dossier et nous n’avons pu en visionner qu’une. Pourquoi ? » La caméra permet, en outre, de voir Sabri circuler un moment dans la rue en faisant des allers-retours avant de repasser à vive allure.
Le doute se fait plus fort encore alors que la famille Choubi ne récupère même pas les vêtements du jeune homme ni son Iphone, qui aurait pu permettre de le géolocaliser. « Même sa casquette personne n’en fait mention. Pourtant, ils ont une sacoche au commissariat. Mais il n’y a pas de sang dessus ni aucune éraflure… » détaille la maman de Sabri avant de pointer une photo des traces de sang au sol, rue Trouillet. « Les tâches de sang au sol ne correspondent pas à ce que dit l’expert en accidentologie ». Cet expert en accidentologie conclue dans son rapport que Sabri serait monté sur le trottoir, aurait perdu le contrôle de sa motocross et serait entré en collusion de face avec un poteau électrique. « Pour lui, Sabri tombe sur le devant d’une FIAT 500… Quand on voit l’état de la FIAT 500, on a pas l’impression que quelqu’un comme Sabri, qui faisait 112kg pour 1m93, l’a heurtée. Les traces de dérapage ne sont pas non plus mentionnée par l’expert. Et il ne parle pas non plus de la blessure au genou de mon fils. Il a quand même la rotule arrachée ! » Sabrina rappelle que la moto a été retrouvée en parfait état et que les bodyscanners de son fils ne décèlent aucune dent cassée, pas de nez cassé ni de cervicales touchées. Pour elle, c’est certain, la version retenue par l’expert ne tient pas. « On a demandé des prélèvements de son urine, de son sang, de ses vêtements et de ses cheveux pour voir s’il y avait par exemple des traces de lacrymogène… On nous a dit qu’on avait oublié de le faire ! » s’insurge-t-elle.
Elle et Carole retiennent aussi la présence d’un autre véhicule de police sur les lieux : une 3008. “Ce véhicule est étrangement non-géolocalisable et la couleur relevée dans les PV de constat on évoque un véhicule de couleur gris anthracite alors que celui-ci était marron beige… Pourquoi?”
« Si Sabri n’avait pas croisé une voiture de la bac, il serait encore en vie »
Comme dans de nombreuses affaires de violences d’État, en plein deuil, la famille a pourtant dû trouver la force de mener ses propres investigations, doutant de l’enquête judiciaire qui finit par classer l’affaire sans suite.
Refusant les conclusions de l’enquête et toujours pleine de questions sans réponse, la famille se constitue partie civile et dépose plainte pour "violences aggravées ayant entraîné la mort sans intention de la donner". Elle veut pouvoir géolocaliser le parcours de la BAC d’Ermont et celui de leur fils.
C’est aussi la famille et les proches qui organisent une reconstitution de la mort de Sabri. « La moto ne passait pas sur le trottoir ! » crie au micro Omar Slaouti à la ville d’Argenteuil ce samedi 22 mai.
Le collectif et les soutiens pour Sabri ont pris comme point de départ la gare d’Argentueil. D’abord une vente de t-shirt, en soutien : en effet, la bataille pour faire lumière sur la mort de Sabri est aussi financière. Il faut pouvoir assumer les frais judiciaires. « La justice nous demande 1000 euros de consignation » détaille Carole, la tante de « Gato », surnom affectif de Sabri. Ce système de consignation vise officiellement à éviter les plaintes abusives. L’avocate de la famille de Sabri, Me Lucie Simon, le qualifie aussi de « procédé de dissuasion ».
« Si Sabri n’avait pas croisé voiture de la bac il serait encore en vie » enchaîne Carole, qui a pris sur elle pour parler au nom de la famille devant la foule de plus de 200 personnes qui s’est rassemblée.
De nombreuses familles de victimes de violences policières sont présentes, telle que la famille Dieng, El Yamni ou encore Gomez, Bah et la famille Traore. « Nos vies comptent. Elles ne doivent pas être associées au fait de croiser la police ou les gendarmes. On va se battre pour son honneur, pour sa dignité, pour que son nom entre dans l’histoire » poursuit d’ailleurs Assa Traore, aux côtés de Carole. « Pour que tous les Sabri puissent vivre et participer à la construction de ce monde, de leur propre vie. C’est un moment important de l’histoire de France aujourd’hui et on va l’écrire avec le nom de nos frères. Aucun policier ne doit échapper à la justice. Un peuple qui n’a pas peur est plus fort ».
La marche s’élance ensuite dans les rues d’Argentueil, sous les regards surpris et souvent encourageants des passant•es. « Payés pour servir, pas pour tuer », « Justice pour Gato », « Sans justice, pas de paix » sont hurlés à bout de souffle, à s’en casser la voix.
Arrivé dans le quartier du jeune homme, un lâcher de ballons a lieu en sa mémoire, comme le voulait sa sœur.
La famille est loin d’avoir dit son dernier mot. Cette marche et la plainte déposée en sont la preuve.