Lumières pour Sabri Choubi : la famille se bat pour rouvrir l'enquête

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Un an après la mort de Sabri Choubi à Argenteuil (95), sa famille lutte toujours, après un premier classement sans suite du dossier. A l'occasion de la seconde marche blanche, qui se déroulera le 22 mai prochain, le collectif de soutien rappelle qu'il existe toujours de nombreuses zones d'ombre.

Face à une enquête judiciaire actuellement au point mort, la famille de Sabri Choubi mène ses propres investigations. Lundi 10 mai 2021, à l'issue d'une conférence de presse en présence de l'avocate de la famille, le collectif Lumière[s] pour Sabri a dénoncé le classement sans suite, en octobre dernier, du dossier sur la mort de ce jeune homme de 18 ans. 

Dans la nuit du 17 au 18 mai 2020, Sabri Choubi perdait la vie au volant de sa motocross. L'expert en accidentologie, mandaté par le parquet de Pontoise, concluait alors que le garçon roulait sur le trottoir, entre les pavillons de la rue Trouillet à Argenteuil et des voitures garées, sans lien avec la présence policière à proximité. Selon la reconstitution réalisée par la famille, impossible pourtant de circuler à vive allure sur un espace aussi étroit. 

D’après le rapport de l’enquête, Sabri Choubi roulait sur ce trottoir.

D’après le rapport de l’enquête, Sabri Choubi roulait sur ce trottoir.

Pour tenter de relancer l'enquête, la famille -qui s'est constituée partie civile, a déposé plainte pour "violences aggravées ayant entraîné la mort sans intention de la donner". Si rien n'est encore gagné (le Juge d'Instruction pouvant rejoindre les conclusions du Parquet), la famille doit en premier lieu s'acquitter de la somme de 1.000 euros : un système de "consignation" qui vise officiellement à éviter les plaintes abusives. "La consignation est systématique dans ce type d'affaire. Dans tous les dossiers qui ont trait à d' éventuelles violences policières, il y a de nombreux obstacles. C'est un procédé de dissuasion", analyse Me Lucie Simon.

Les éléments manquants de l'affaire

Moi-même, quand deux jours après l’accident j’arrive sur place pour rencontrer la famille, je trouve des éléments de la moto sur un muret qui n’avaient pas été pris par les experts
— Me Lucie Simon

L'avocate de la famille estime que l'expertise en accidentologie est "partiale et manque d'indépendance". "L'agent n'a même pas eu le soin de regarder les traces de pneus. Moi-même, quand deux jours après l'accident j'arrive sur place pour rencontrer la famille, je trouve des éléments de la moto sur un muret qui n'avaient pas été pris par les experts", développe-t-elle. La famille espère ainsi ajouter au dossier de nouveaux actes d'enquête : une reconstitution des faits et une nouvelle expertise. "On a assez peu de choses dans ce dossier. C'est justement pour cela qu'on a besoin d'avoir une instruction", déclare Me Simon. 

"La famille veut avoir la certitude que l'on a exploré toutes les pistes". Parmi les questions toujours en suspens : celle de la chronologie des événements. Dans cette rue pentue et pavillonnaire, deux caméras ont été analysées par le parquet. Sabri y apparaît à trois reprises, à partir de 2h04 du matin. 

43 secondes après un premier passage, Sabri décide de revenir sur ses pas, en remontant la rue à allure modérée d’après le rapport. Une voiture de la BAC de marque Skoda, elle, s'est engouffrée dans la rue Trouillet à 2h05 et 25 secondes. Le parquet a certifié à plusieurs reprises que la voiture ne poursuivait pas Sabri Choubi. "En tout cas, ils se voient", précise l'avocate. 

À 2H05 et 5 secondes, le jeune homme change une nouvelle fois de direction, à grande vitesse cette fois-ci pour des raisons que l'on ignore. Selon les habitant-es, la possibilité qu'une seconde voiture de police positionnée en haut de la rue Trouillet n'est pas exclue. Sabri Choubi aurait donc pu avoir eu la sensation d'être pris en étau. Une enquête plus poussée permettrait de connaître la géolocalisation des véhicules policiers cette nuit-là. 

A regret, d'autres éléments ne pourront, eux, jamais être connus. L'avocate dénonce la disparition des vêtements du jeune homme ainsi que son smartphone. "C'est une des questions qui a été posée et qui émanent des habitant-es du quartier : est-ce que qu'il n'y aurait pas eu un coup de gazeuse?", partage Me Simon.

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Les enfants d'Argenteuil

"Il y a la conviction chez les habitants que la police est impliquée. Cela ne constitue pas une preuve mais [en tant qu'avocate et pour les journalistes], il faut l'entendre".

Aux lendemains du décès de Sabri, les jeunes d'Argenteuil avaient, à quiconque voulait l'entendre, évoqué les origines de leur suspicion. "Il y a quelques cow-boys au sein de la police… Il faut vivre avec", soufflait par exemple Aziz. "Je me suis pris une baffe; dès qu'on parlait de moto, ils avaient tous une histoire à me raconter, que ce soit des policiers qui ouvrent leur portière au niveau des motos, ou des jeunes qui se font gazer", confie l'avocate. 

"Ce ne sont pas des gens anti-flics. Ils ont tous des exemples concrets à donner", poursuit-elle. Quelques mois après le décès de Sabri Choubi, le média StreetPress avait sorti une série d'article sur le comportement de la police à Argenteuil

"A la conférence de presse, il y avait peu de journalistes, mais tous les gens du quartier étaient présents par contre", remarque l'avocate. Fort à parier -comme lors de la première marche blanche- que la ville d'Argenteuil se tiendra une nouvelle fois au côté de la famille de Sabri Choubi ce 22 mai, où un hommage sera rendu au départ de la gare à 13h30 jusqu’au parc de la Bérionne.

©LaMeute - Mes

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MERCI POUR VOTRE LECTURE

La réalisation de ce reportage a nécessité 2 personnes et environ 5h de travail.

- Texte et Mise en page: Mes

-Photos : Graine et Mes

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