Face à une certaine extrême droite, quelques irréductibles

Des militant·es antifascistes contre la manifestation Génération Identitaire. ©LaMeute - Ibnou

Des militant·es antifascistes contre la manifestation Génération Identitaire. ©LaMeute - Ibnou

Alors que le groupuscule d'extrême droite Génération Identitaire manifestait ce samedi contre leur future dissolution, quelques centaines de contre-manifestant·es ont tenté de se réunir. Rapidement nassé·es par les force de l'ordre, un jeu du chat et la souris s'est déroulé pendant plusieurs heures dans les rues de Paris. Un contraste éloquent, désolant, mais guère étonnant.

Bribes de cette sale journée.


13h40 au pied de la tour Montparnasse dans le sud de Paris. Les photographes montrent patte blanche lors d'inspections de sac désormais ritualisées hors de tout cadre légal. Sur la place du 18 juin 1940, on attend les manifestant·es antifascistes. Un contre rassemblement a en effet été appelé par plusieurs organisations libertaires et/ou antifascistes, ce samedi 20 février 2021. A une vingtaine de minutes de là, Génération Identitaire organise sa propre manifestation -déclarée et autorisée par la préfecture.

La rue à l'extrême droite

A Montparnasse, il y a plus d'agents de la BRAV-M (Brigade de Répression de l'Action Violente Motorisée, NDLR) que d'antifas. Le ballet incessant de motos coupe finalement le moteur pour former trois petites nasses. La centaine de manifestant·es présent·es doivent sortir leur carte d'identité. Dans l'une des nasses, la BRAV-M en profite également pour interpeller manu militari le militant Jérôme Rodrigues -qu'elle a jugé tout autant violent qu'actif. La contre-manifestation tourne court. Merci, au revoir. Jérôme Rodrigues passera trois heures et demie au poste.

Sur la place Denfert-Rochereau, au même moment, 1500 personnes, d'après la préfecture, manifestent en soutien à Génération Identitaire, menacée de dissolution pour provocation «à la discrimination, à la haine ou à la violence». Une figure se détache : celle de Michelle, une Marianne noire. "On attend jamais la Marianne là où elle est", s'amuse-t-elle quand on s'étonne de sa présence. "Bravo pour ton courage", lui lance un contre-manifestant, lui aussi présent sur la place -en catimini cette fois-ci. 

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“Je n'ai peur de rien. La peur n'évite pas le danger"

Michelle, la Marianne

"Iels ne peuvent pas s'attaquer à moi car je porte le symbole de la République. Iels ne peuvent pas se le permettre", croit-elle en évoquant les militant·es GI et les regards en biais qu’elle reçoit. "Je n'ai peur de rien. La peur n'évite pas le danger".

Au loin, des "Paris antifa" résonnent. Et dans les rues adjacentes, la même scène se reproduit inlassablement. Les brigades motorisés surveillent la présence de contre-manifestant·es qui ont rejoint le secteur Denfert-Rochereau en désespoir de cause. Les militant·es antifascistes doivent s'aligner contre les murs pour être controlé·es. Les journalistes, elleux, sont systématiquement invité·es à sortir leur carte de presse -bien que cette dernière ne soit pas obligatoire à l'exercice de la profession. On comprend que la préfecture de police ne veut pas d'image de militant·es contrôlé·es pour le simple fait d'être supposément antifascistes. 

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Jeu de dupes

16h, dans le 14ème arrondissement de Paris. Il est désormais difficile d'atteindre la place Denfert-Rochereau. Pour celleux qui ont tout de même réussi à se faufiler à travers le service d'ordre de Génération Identitaire -qui surveille tout autant les contre-manifestant·es que les journalistes, il faut esquiver les coups. Plusieurs chasses à l'homme éclatent. Les forces de l'ordre se contentent d'éloigner les antifas. Derrière cette ligne qui fait tampon, les militant·es de GI entament des slogans xénophobes. Plus tôt, au micro, l'un d'elleux avait admis que Marine Le Pen était "molle".

Yamcha * et ses ami·es ont eu du mal à atteindre la place mais tout de même, "il faut combattre le feu par le feu", lâche-t-il avec aplomb. Quite à faire fit des "bicots" entendus. "On a pas envie de leur laisser de l'espace", affirme également Pietra. "Pour Génération Identitaire, la journée est un succès, mais ce succès a été aidé parce que l'on n’a pas laissé les antifas s'exprimer", analyse la jeune fille de 23 ans. Avec son groupe de potes, iels sont venu·es directement depuis Montparnasse où la manifestation a été bloquée "avant même d'avoir pu commencer", dénoncent-iels toustes en cœur. 

Pour Pietra, la police et le gouvernement "a accordé [à Génération Identitaire] cet espace", en balayant du regard la place Denfert-Rochereau. "Ce n'est pas comme ça que cela se passe d'habitude les manifestations. A chaque débordement, les forces de l'ordre dispersent normalement", siffle-t-elle. "Pourquoi la manifestation a été autorisée?", s'alarme-t-elle. 

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Depuis de le 13 février, en effet, le ministre de l'Intérieur a enclenché la procédure qui devrait dissoudre le groupuscule d'extrême droite, à l'oeuvre notamment lors de plusieurs actions aux frontières pour tenter d'intimider les personnes souhaitant venir en France, comme en 2018 dans les Alpes et encore tout dernièrement, en janvier 2021 dans les Pyrénées. Les motifs invoqués au sujet de cette dissolution sont graves :  «groupes de combat ou milices privées» et groupes provoquant à la haine d'après Libération

Un danger réel

Paris, samedi 20 février 2021. ©LaMeute - Ibnou

Paris, samedi 20 février 2021. ©LaMeute - Ibnou

17h, place Denfert-Rochereau. La manifestation de Génération Identitaire touche à sa fin. Des antifas lâchent un dernier "La police protège les fachos" avant d’être pris en chasse. Eva reçoit un coup de pied de la part d'un militant d'extrême droite. Elle était dans le viseur des manifestant·es dès son arrivée aux abords de la place. Avec son eye liner noir et ses cheveux long, le SO (Service d'Ordre, NDLR) ne l'a pas laissé passer. "Je ne sais pas s'ils m'ont attaqué parce je suis antifa ou parce que je suis une meuf", lâche-t-elle, pensive. En plus du coup, Eva déclare avoir reçu des insultes à caractère sexiste. "Et après, iels disent avoir des valeurs", souffle l'élève en Terminale. 

Yamcha se lance dans l'analyse: "iels pensent défendre les plus précaires; iels se trompent totalement. Iels défendent un humaniste biaisé. D'ailleurs, on en a vu aujourd'hui des drapeaux des États confédérés ! [les régions des Etats Unis d'Amérique, esclavagistes au 19ème siècle, NDLR]". Pour Michelle, la Marianne noire : "iels ne représentent pas la République. Iels ne sont que haine". 

"Le problème, c'est l'islamophobie pure et dure. Iels nous traitent d'islamo-gauchistes. Moi, je me réapproprie ce mot : Islamo-gauchiste, et alors?", lâche Pietra. Ces termes stigmatisant la minorité musulmane ont beau être de plus en plus banalisés au sein du débat public, ils ont une résonance particulière lorsqu’ils sont prononcés par un groupuscule tel que Génération Identitaire. En effet, rappelons que celui-ci a été plusieurs fois mis en relation à des activités terroristes en France aussi bien qu’à l’étranger. Que ce soit le terrible attentat de Christchurch en Nouvelle-Zélande ou la fusillade du 29 octobre 2020 à Avignon, les auteurs de ces différents attentats se sont indirectement ou directement revendiqués du groupuscule. L’organisation d’un contre-mouvement à l’égard de ce groupe - et de façon générale contre l’obédience politique qu’il représente - doit par conséquent s’effectuer en ayant conscience du danger auquel nous nous exposons.

L’extrême droite ne se revendique d’ailleurs pas toujours comme telle, poing levé un samedi après-midi. Elle peut se trouver jusqu’au sommet de l'appareil étatique, et mettre en place des politiques coercitives et racistes au nom de valeurs prétendument démocratiques et humanistes. La croisade dans laquelle s’est lancé le gouvernement contre "l'islamo-gauchisme" au sein des universités illustre cet état de fait. A l'heure même où les files d'attente d'étudiant·es pour recevoir une aide alimentaire ne cessent de s'allonger. A l’heure où les chambres parlementaires étudient des lois -très largement rejetées dans la rue par les journalistes, les militant·es contre les violences policières ou ces mêmes les étudiant·es - privilégiant ainsi leur idéologie au détriment des vies.

*le prénom a été modifié

©LaMeute - Ibnou & Mes

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MERCI POUR VOTRE LECTURE

La réalisation de ce reportage a nécessité 3 personne et environ 10h de travail.

- Photos : Ibnou

- Texte : Ibnou et Mes

- Relecture et Iconographie : Graine

- Mise en page : Mes

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