Concert de soutien des Midis du MIE : Ici, on rêve encore!
Le collectif Les Midis du MIE, qui vient en aide aux mineur-e-s isolé-s étranger-e-s (MIE, NDLR) sur Paris depuis 2016, organisait samedi 8 février un concert de soutien au 60 AdaDa à Saint-Denis. Douze jeunes passent actuellement leurs nuits dans ce local artistique, sans que les institutions françaises n’y trouvent rien à redire. Pour la seconde fois, un micro a été tendu aux artistes engagé-e-s, mais surtout aux jeunes, pour qu’ils puissent enfin chanter, rapper et raconter leurs histoires.
Ils sont douze. Leurs prénoms sont inscrits en bas à droite des dessins qu’ils ont réalisés et qui tapissent les murs du 60 AdaDa. Plusieurs soirs par semaine, cette résidence d’artistes les accueille autour d’ateliers d’écriture, de dessin ou encore de théâtre. La nuit tombée, ces douze jeunes déboutés de leur minorité et en attente d’un recours devant le Juge des Enfants, installent leurs matelas. Ils y passeront la nuit, du moins jusqu’au 22 février. Non considérés comme des mineurs, ils ne bénéficient d’aucune protection étatique et passent sous les radars de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE, NDRL). Pour un court moment, ils peuvent souffler. Les Midis du MIE se sont associés une nouvelle fois au 60 AdaDa -après avoir hébergé trente-huit jeunes en septembre dernier- autour d’un projet à vocation artistique, avec pour point d’orgue une exposition des œuvres réalisées par les jeunes, le 14 février prochain. « Avec le temps, il y’a peut-être moins de violence dans leurs productions », observe Marie Willaime, coordinatrice au 60 AdaDa, en effleurant du regard les dessins aux murs. «Ils sont méconnaissables », reconnaît-elle.
Protège tes rêves
« Ici, ils ont recréé une famille. Ils sont plus radieux », ajoute-t-elle. Un bateau reliant la Libye et l’Italie, signé Aboubacar et réalisé à son arrivé au 60 AdaDa. Plus loin, une œuvre plus récente, plus apaisée, représentent des silhouettes colorées. « Les Midis du MIE leur apporte une solidarité de première nécessité… et tout le reste. L’accès à la culture, s’exprimer, c’est important aussi », explique Titi Banlieusard, artiste rappeur, qui s’est impliqué dans l’organisation du concert de soutien. Il passe tout d’abord le micro aux jeunes résidants, dont c’est parfois la première représentation scénique. Un au synthé, deux au chant. Agathe Nadimi, la fondatrice des Midis du MIE, n’est jamais très loin et les accompagne à la guitare. Ils fredonnent tous-tes ensemble « J’ai 16 ans et je veux un destin ».
Le micro passe de main en main. Un jeune reprend « Mona Ki Ngi Xica » de l’artiste angolais Bonga, engagé dans la lutte contre le colonialisme portugais. Mineurs isolés étrangers, artistes engagé-e-s, un dialogue s’installe. Il aura suffi d’un micro.
« Merci à l’association Les Midis du MIE. C’est lourd ce que vous faîtes», confie Anani Koffi, accompagné par la guitariste Patricia Sarafian. Il entame les morceaux de son nouveau projet, intitulé « Protège tes rêves ». Ses sons font écho à « l’histoire » de Sabadiyou. Son histoire, c’est celle d’un orphelin venu en France pour un avenir meilleur et “une sécurité”. « On a plein de rêves, mais dans mon pays le président veut changer la Constitution pour faire un troisième mandat », clame-t-il.
Prouve que tu existes
« Là-bas, je n’ai pas la liberté d’exprimer ce que j’ai sur le cœur. On souffre», résume-t-il. La scène sert alors d’exutoire. Comme pour Mamadouboy, « l’enfant de Guinée-Conakry », qui enflamme la piste. « Il ne va pas lâcher le micro », rigole une bénévole des Midis du MIE. Le plus fou, c’est qu’il rappe en impro. Il exulte, il existe. L’art - et à bien des égards, le rap- donne l’occasion à ces jeunes en exil d’exprimer leur existence singulière. Vient le tour du rappeur Ossama. Il porte un gilet jaune. Ses textes évoquent le mouvement qui a pris de court les politiques français-e-s et les rédactions parisiennes. Lui aussi, rappe sur les invisibles de France, sur celles et ceux qui luttent pour un peu de dignité. «Mélancolique est le trafic, une garde à vue de transit», lui répond Titi Banlieusard, invoquant à son tour les citoyen-nes qui vivent au-delà du périphérique.
Ces prises de parole ne diminuent pour autant pas la peine et les difficultés à venir pour ces adolescents qui tentent de se faire une place en France, sans protection et qui risquent l’expulsion. Dans le public, les pas de danse laissent parfois place aux âmes en peine. Des regards dans le vide qui croisent automatiquement celui d’Agathe Nadimi. Quand elle n’enchaîne pas les clopes, la fondatrice des Midis du MIE enchaîne les câlins. « Ils en ont besoin », avoue-t-elle.
Mairie silencieuse, Etat complice
Des anciens mineurs passés par Les Midis du MIE sont également de passage. Ils sont accueillis par des embrassades. Certains ont réussi à trouver une chambre d’hôtel. Agathe Nadimi souhaite le même destin pour les douze jeunes qui vivent actuellement au 60 AdaDa. « Mon prochain combat, c’est de trouver une solution d’hébergement pour après le 22 février… », s’affole-t-elle. « Mais on est au bord de l’épuisement », alerte une bénévole. En cause, les doubles journées qui incombent à celles et ceux qui s’activent au sein de l’association. En plus de passer leurs nuits au 60 AdaDa, les membres des Midis du MIE distribuent, du jeudi au lundi, près de quatre-vingt repas par jour aux mineur-e-s isolé-e-s étranger-e-s de Paris, dans le jardin de la rue Pali-Kao. « Ça les fait sortir des campements de merde dans lesquels il-elles sont », déclare Agathe Nadimi.
« Je fais le travail que l’Etat devrait faire», lâche-t-elle. Elle dit mettre régulièrement la pression à la mairie du XI arrondissement pour obtenir un local, “mais il ne se passe rien”. “Les relations sont compliquées”, concède-t-elle. De l’inaction aux tribunaux, il n’y a parfois qu’un pas. La militante Chantal Raffanel vient d’être condamnée par la cour d’Appel de Nîmes à 500 euros d’amende pour avoir rempli les papiers de scolarité d’un mineur étranger, à la place du Conseil départemental. C’est ce même Conseil départemental qui a porté plainte contre elle. Pour Agathe Nadimi, passée par Calais et le campement au métro Stalingrad, la criminalisation des militant-e-s engagé-e-s auprès des mineur-e-s isolé-e-s étranger-e-s n’entame en rien sa détermination. « Je ne me pose pas la question des conséquences. J’agis ».
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