[Billet d’humeur] : Dérive autoritaire, union solidaire

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Plusieurs rassemblements ont eu lieu, partout en France, contre l’adoption de la loi relative à la sécurité globale. Face à l'opposition grandissante de la population quant à l'adoption de lois qu’elle juge sécuritaires, le gouvernement persiste en faisant de ce nouveau coup de force, un tournant dans sa volonté de contrôle des activités au sein de l’espace public. 

Le parti “ni de droite ni de gauche” du gouvernement a une nouvelle fois gratté du terrain à sa droite en proposant la loi relative à la sécurité globale. Du mirage de 2017 à l'affirmation de 2020, La République En Marche (LREM) dans son incapacité politique à imaginer de nouveaux horizons s’enferme vers un traditionalisme sécuritaire -aveu notoire d’une défaite politique consommée.

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Comme un poison dans l’eau

La fuite en avant du pouvoir nous conduit vers une surveillance généralisée au détriment de la protection des libertés individuelles. En donnant plus de pouvoir aux communes et à la police municipale, aux agents de sécurité du secteur privé, en utilisant des moyens technologiques de surveillance,en régulant les prises d’images tout en étendant les pouvoirs des agents routiers et ferroviaires, le gouvernement bâtit une forteresse de contrôle.

Précédemment, la loi Avia -dite Haine- censurée par le conseil constitutionnel, tentait de censurer la parole sur les réseaux sociaux [lire ici]. Plus récemment, le projet de loi dit “contre les séparatisme” vient au secours de la loi Haine, s’en inspire et va au-delà, pour redéfinir les principes de laïcité de la loi 1905, tout en disqualifiant une partie de la société jugé -sans preuve- comme dérogeant aux règles de “la République”. La loi de sécurité globale est une couche supplémentaire à la pile des pratiques délétères et sécuritaires orchestrées par le gouvernement. 

C’est un marqueur politique fort, accentué par un argumentaire inopérant qui déterminerait la population comme étant un rempart à l'ordre public. Pourtant, il a été démontré qu’elle est, en réalité, garante de sa propre sécurité face à des violences invisibilisées par la complicité d’institutions - police en tête -  qui tendent à enterrer plutôt qu'à sanctionner les fauteurs de troubles. 

Par cette loi, l'Etat applique un dispositif coercitif au détriment du peuple tout en attribuant les pleins pouvoirs aux services de police pour prendre le contrôle de l’espace public. Un profond recul qui déroge aux aspirations promues à l’article.12 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789: “La garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée”

La défaite des médias traditionnels

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Jadis adoubés aujourd’hui morcelés, les médias traditionnels paie de plein fouet leur complicité avec le pouvoir, tout en menant à sa perte la profession.

Face aux ripostes potentielles d’un journalisme indépendant et/ou encarté [disposant d’une carte de presse, NDLR], le projet de loi, complémentaire au nouveau schéma de maintien de l’ordre,  réécrit la loi de 1881 sur la liberté de la presse en mettant  sous tutelle du ministère de l’Intérieur, les journalistes “réfractaires”. Sans détour et par la force institutionnelle, le gouvernement musèle le débat pour ne garder que la vision étriquée de ses intérêts.

La naissance de nombreux médias indépendants est un indicateur factuel pour estimer la faillite et la complicité avec laquelle les médias traditionnels ont joué un jeu trouble. De plus, c’est par son désintérêt notoire pour des questions d’ordre social qu’est né, par riposte, l'émergence de nouveaux récits. A défaut d’exercer son rôle de contre-pouvoir et grâce à la stratégie de concentration des médias, ils se sont tus, en prenant la pensée en otage, pour ne satisfaire que les plaisirs des “princes” successifs.

Comment ne pas immédiatement penser aux invectives des gilets jaunes a l’encontre de BFM au plus fort du mouvement. A l’apparition de garde rapprochée, lors des manifestations, auprès de journalistes issu-es de ces médias. Ou encore, aux orientations islamophobes de nombreux magazines et aux discrédits notoires que portent certains journaux envers une partie de la société. La polémique de Reporter sans frontières (RSF), survenue le 25 novembre sur Twitter, est la preuve récente de l’existence de profonds clivages entre une nouvelle génération de journalistes et reporters de terrain et les acteurs de ces institutions déconnectés des enjeux. 

La désinformation a laissé place à un champ créatif libéré de sa substance de l'impératif du profit.

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Auto-défense citoyenne

Sous couvert de protection envers les policier-es, Gérald Darmanin entérine les réelles problématiques qui touchent l’institution policière, aux détriments des victimes de violences et des dysfonctionnements structurels. Les images ont montré leur utilité dans un contexte où la politisation grandissante de la société concourt à l'émergence de nouveaux modes de production et diffusion. En très peu de temps, le téléphone est devenu une arme d'auto-défense redoutable. Son emploi offre une indépendance à portée de main qui s'émancipe d’une influence journalistique orientée vers des intérêts particuliers.

Des manifestant-es s’apprêtent à revisiter le nom du parti politique présidentiel : La République En Marche Arrière. ©LaMeute - Izpho

Des manifestant-es s’apprêtent à revisiter le nom du parti politique présidentiel : La République En Marche Arrière. ©LaMeute - Izpho

Sans récits citoyens, sans images, aucun état de fait n'est possible. Par l’autonomisation des moyens de communication, le téléphone est devenu un outil de captation et de documentation quotidien d'intérêt général. C’est souvent grâce à son action de témoignage -une preuve-  que des affaires nébuleuses ont été éclaircies. En légiférant autour de l’article 24 du projet de loi, l'Intérieur cherche à reprendre le contrôle du récit national tout en niant l’aspect salvateur de l’autonomisation du collectif.

Dans la bataille des images qui s’engage, l’action citoyenne concourent à créer un contrepoids.

La mise en place d’une communication chevronnée dans certains collectifs [voir ici], la création d’application mobile de défense citoyenne, la mise à disposition de visuels et stickers par des graphistes, artistes et illustrateurt-trices comme forme de propagation des idées [voir ici], la tenue de débats, sont les marqueurs de la professionnalisation et de l’organisation des pratiques par l'adhésion du plus grand nombre.  A l’aide d'outils mis à la disposition de tous , les citoyen-nes font société par la mise en avant d’éléments nécessaires à la compréhension de récits souvent occultés.

A l’unisson

Le climat social français a rarement connu une telle intensité. Jamais, durant ces dernières décennies, un tel foisonnement n’avait fait jour. Le gouvernement par la division aura su précipiter la renaissance d’un élan collectif. 

L'arrivée du coronavirus, en mars, a stoppé net la montée en puissance des mouvements d’opposition aux réformes du gouvernement. Rappelons que le 29 février, l’ancien premier ministre, Edouard Philippe, avait lâchement apposé un 49.3 [article 49 alinéa 3 de la constitution permettant de faire passer une loi sans vote, NDLR] - lors d’une réunion initialement prévue pour traiter d’un plan suite à l'arrivée imminente du coronavirus - afin de clore les débats et mater l’opposition grandissante face à une réforme des retraites qui avait mobilisé massivement

La gestion catastrophique de la pandémie, les mobilisation d'après confinement du personnel hospitalier  et, surtout, les actions d'envergure du comité Adama [lire ici, ici et ici], durant l’été, ont donné le ton nécessaire à une prise de conscience élargie. Plus récemment, la non-planification de la rentrée scolaire, l’instrumentalisation de l’assassinat de Samuel Paty ainsi que le retour à un confinement partiel, sans oublier, le traitement réservé aux migrant-es, place de la République, le 23 novembre, suite à l'action d’associations d’aide aux migrant-es, finit de noircir le tableau des scandales politico-policiers en cours.

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De la “génération Adama et climat” en passant par les gilets jaunes, personne n’est dupe. La tournure politique du pays ne fait plus consensus. Par l’union des aspirations, les mobilisations contre la loi de sécurité globale consolident le peuple autour de valeurs symboliques communes. En se mobilisant  contre ce projet, il construit une résistance féconde, éclectique et alternative vers le devoir solidaire de conservation de ses acquis historiques. 

Contre cette loi, les rassemblements disent non à la construction d’une technopolice. Non, aux risques encourus par les quartiers populaires, déjà victime de la domination policière. Non, à la généralisation du contrôle de l’espace public par des agents de police durant et après leur service. Non, à l'Etat policier. Non, à l'autoritarisme. Non, au gouvernement. A l’unisson, le non l’emporte face aux dérives sécuritaire et idéologique. 

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MERCI POUR VOTRE LECTURE

La réalisation de ce reportage a nécessité 3 personne et environ 13h de travail.

- Photos et Texte : Izpho;

- Relecture : Mes et Smoke;

- Mise en page: Mes

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