Retraites et 49-3 / "Essayez la dictature, et vous verrez" qu'il nous disait...

Emmanuel Macron est quand même très, très fort. On ne va pas se mentir. A BFM-TV, on dit même de lui qu’il est sidérant.

Le Président Jupitérien, comme il se plaisait à se faire appeler au début de son mandat, aurait presque quelque chose de prophétique. Dès qu’il ouvre la bouche, c’est pour annoncer une vérité à venir, des perles d’or sur un linge de soie qu’il offrirait à la populace toute entière.

Déjà en 2015, n’avait-il pas déclaré que “La France est en deuil d’un roi” ? Prophétique Annonciation de sa propre venue, de son propre avénement ; et de sa propre chute. Les Français-es sont bien en deuil d’un roi, oui. C’est une évidence. Car sur la place de la Concorde, hier soir, on chantait. “Louis XVI, Louis XVI : on l’a décapité. Macron, Macron : on peut recommencer”. Et pour cause, encore tout récemment, Emmanuel Ier nous avait fait le don d’un de ses éclairs de voyance. Il menaçait, extralucide, dans l’avion qui le ramenait de Palestine occupée, et en pleine grève des transports : “Une dictature, c'est un régime où une personne ou un clan décident des lois. Une dictature, c'est un régime où on ne change pas les dirigeants, jamais. Si la France c'est cela, essayez la dictature et vous verrez !

Sacré Emmanuel Macron, il est incorrigible. Hier soir, son Premier ministre Edouard Philippe a annoncé, presque par surprise, le recours à l’article 49-3 de la Constitution, permettant de jouer à saute-mouton avec l’Assemblée et d’engager la responsabilité du gouvernement en échange d’une absence de débat sur la réforme des retraites. Si une motion de censure n’obtient pas la majorité des voix à l’Assemblée avant ce soir, alors, une fois de plus, Emmanuel Macron se sera assis sur les dernières ruines restantes d’une démocratie déjà bien imparfaite.

Donc résumons. D’un côté, nous avons 70% de la population opposée à la réforme des retraites au plus fort de la grève, une population censée être représentée par 577 député-es avec une pluralité politique toute relative mais un tant soit peu réelle. Des grèves dans tous les secteurs possibles depuis le 5 décembre, soit près de 3 mois. Un nombre incalculable de blessé-es en manifestation, d’arrestations, d’incarcérations.

De l’autre, on a un homme. Seul. Deux maximum : le Président et son sous-fifre de Premier ministre.

Ce constat a de quoi vous rendre aphone. Mais spontanément, partout en France, des gens se sont rassemblé-es près des lieux de pouvoir pour protester contre une mesure qui, déjà à l’époque de Manuel Valls et de la Loi Travail (un projet cher à Macron), avait été conspuée et jugée antidémocratique. A Paris, c’est à quelques mètres de l’Assemblée Nationale que les manifestant-es se sont retrouvé-es. Contenu-es sur le Pont de la Concorde, on y protesta toute la soirée, entre chants et slogans pour se réchauffer. Evidemment, les forces de l’ordre avaient bouclé tout le quartier. En off, son micro éteint et à voix très, très basse, un gendarme glissa à notre reporter que dans le camion qui l’avait amené jusque là, aucun officier n’avait eu envie d’obéir ce soir. Qu’aucun officier n’avait envie d’obéir tout court depuis le début de cette grève - ce qu’ils firent tous pourtant, y compris hier soir. Après une nasse et quelques coups de gazeuse, le rassemblement fut dispersé et quelques manifestations spontanées repartirent vers le centre de la Capitale.


Il y a très clairement un jeu dangereux qui va se jouer jusqu’à la tombée du soir aujourd’hui. En quelques heures, le pays peut se retrouver dans la pire crise politique possible, surpassant de loin l’explosion des Gilets Jaunes l’hiver dernier. En un rien de temps, un gouvernement peut être destitué, un projet de loi jeté à la poubelle, tandis que dans la rue, un mouvement social qui se durcit depuis près de 3 mois appelle à la manifestation insurrectionnelle dans deux semaines, le samedi 14 mars.

Des moments de tension politique, on finit par y être habitué-es en France, à force. Celles et ceux qui se sont mobilisé-es pendant la Loi Travail s’en souviendront.

Mais celui qui est en train de prendre place aujourd’hui, maintenant, est d’une autre envergure, et nul-le ne sait réellement dans quelle direction l’on va.

©LaMeute - Graine

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