#25novembre : chez les féministes, "on pousse plus loin l'analyse de la violence"

Devant la mairie de Montreuil, plusieurs centaines de manifestant-es se sont réuni-es. Les “Siamo tutti antifacisti” ont été nombreux. ©LaMeute - Graine

Devant la mairie de Montreuil, plusieurs centaines de manifestant-es se sont réuni-es. Les “Siamo tutti antifacisti” ont été nombreux. ©LaMeute - Graine

La journée internationale contre les violences faites aux femmes s'est déroulée cette année dans un contexte confiné. A Paris et Montreuil (93), néanmoins, des centaines de manifestant-es ont dénoncé les multiples violences auxquelles les minorités de genre sont confrontées. Du droit au logement à la loi "contre les séparatismes", le champ de bataille s'agrandit.


On est loin de la déferlante violette de l'année dernière où à Paris, 100 000 personnes avaient défilé contre les féminicides. Confinement et pandémie mondiale obligent, la lutte contre les violences faites aux femmes se voulait -dans sa version 2020- principalement numérique. Sur la place de la République, au centre de la capitale, plusieurs centaines d'irréductibles se sont tout de même amassé-es sous une grande banderole de circonstance : "La lutte contre les violences sexistes et sexuelles ne restera pas confinée".

Sur la place de la République, la maman de “Julie” est attendue de pied ferme. ©LaMeute - Mes

Sur la place de la République, la maman de “Julie” est attendue de pied ferme. ©LaMeute - Mes

En début de journée, syndicats, organisations politiques et la Marche des Solidarités ont tenté de dresser le panorama d'une "année terrible" -voire méprisable : "le César de Polanski, la nomination de Gérald Darmanin à l'Intérieur, et le scandale Julie", énumère une participante. 

"Nous sommes Julie"

L'histoire de cette jeune fille -alors adolescente- qui accuse une vingtaine de pompiers de viol, réveille une fois de plus le débat sur l’instauration d’un seuil d'âge de consentement en-dessous duquel, une relation entre mineur-e et majeur-e serait automatiquement qualifiée de viol. La cour d'appel de Versailles a récemment confirmé le renvoi de trois pompiers pour "atteinte sexuelle" seulement, jugeant que "la menace, la contrainte ou la surprise" -qui caractérisent un viol pénalement- n'étaient pas établies. Au pied de la statue de la République, Corinne Leriche, la maman de "Julie", est attendue avec impatience. Parmi les manifestant-es, on fustige une fois de plus un déni de Justice accordé aux victimes de violences sexistes et sexuelles, alors même que les affaires de viol ne passent que rarement par la case des tribunaux. Récemment, "beaucoup de femmes ont réalisé qu'elles avaient été victimes de violences sexuelles", remarque Nina de la Maison des Femmes de Paris. 

"Le confinement a été un temps où l'on ressasse le passé", poursuit-elle. Quid alors des délais de prescription? Dans l'affaire de Christophe Girard -ancien adjoint à la culture à la mairie de Paris accusé de viol, le couperet est tombé : les faits sont prescrits. La décision du parquet de Paris a été dévoilée ce 25 novembre 2020. Un hasard (?) du calendrier douloureux qui conforte les féministes dans leur critique des violences institutionnelles. 

Violences au pluriel

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A Montreuil, en début de soirée, la manifestation est plus jeune ; les revendications sont plus bruyantes. On y retrouve, là aussi, des références à l'histoire de Julie, un "exemple flagrant du déni de Justice" et des "mécanismes" occultés par les magistrats, pour Aurore, une habitante de Montreuil. "Cette histoire illustre bien comment les frontières sont floues entre sauveur et agresseur : les pompiers devaient protéger Julie. C'est là que l'emprise commence, car elle devait se sentir redevable envers eux. Moi, cela m'est arrivé avec un médecin en qui j'avais confiance", confie-t-elle du bout des lèvres. On ne creusera pas plus. 

De Paris à Montreuil, les féministes présentes "poussent plus loin l'analyse" des violences, constate Aurore en jetant un œil aux pancartes sur la "police patriarcale". "D'autres revendications s'engouffrent", admet-elle. Cette année, les critiques fustigent aussi bien l'atteinte aux “droits fondamentaux d'une personne en danger” qui verrait sa plainte refusée par un policier, que la violente évacuation de la place de la République de la veille. Le collectif DAL (Droit Au Logement) profite de la journée pour alerter sur le sort des "femmes mal-logées et des femmes qui vivent dans un taudis" avant d'appeler à une "marche des réquisitions" des logements vacants, dimanche prochain [à 15h au métro Saint-Agustin, NDLR]. 

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En grève depuis 16 mois

“Les gens disent que les syndicats nous manipulent, c'est faux. Nous sommes allées les chercher, pas l'inverse. On nous infantilise : ça aussi c'est de la violence", lance  Sylvie.

"Nous ne serions peut-être pas là si nous n'avions pas été Noires", constate quant à elle, Sylvie. En grève depuis le 17 juillet 2019, les femmes de chambre de l'hôtel Ibis Batignolles "ne lâcheront pas le morceau", même après 16 mois de grêve, nous prévient-on d'emblée. "Cette grève, on l'a voulue. Nous voulons être prises au sérieux. Les gens disent que les syndicats nous manipulent, c'est faux. Nous sommes allées les chercher, pas l'inverse. On nous infantilise : ça aussi c'est de la violence", lance  Sylvie. "J'ai réalisé que si je peux m'engager, je dois le faire car il s'agit de ma vie. Cela ne viendra pas sur un plateau". 

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“Nous exigeons l'abandon immédiat du projet de loi sur les séparatismes religieux qui n'est autre qu'un épouvantail pour mieux stigmatiser les personnes de confessions musulmanes”

La Coordination Féministe Antificiste Nationale

"On nous appele des sans-papiers, mais nous avons une identité", dénonce également une représentante de la marche des solidarités au micro, avant d'évoquer la "double violence" que subissent les femmes immigrées et racisées. C'est contre cette essentialisation que la Coordination Féministe Antifasciste Nationale exige "l'abandon immédiat du projet de loi sur les séparatismes religieux qui n'est autre qu'un épouvantail pour mieux stigmatiser les personnes de confessions musulmanes ". Rebaptisé "projet de loi confortant les principes républicains", il sera l'un des nombreux combats à mener dans un futur proche. 

©LaMeute - Mes

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La réalisation de ce reportage a nécessité 2 personnes et environ 10h de travail.

- Photos : Graine et Mes;

- Relecture : Graine;

- Texte et Mise en page: Mes.

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