Zyed, Bouna et les révoltes / Première partie - De quoi parle-t-on ?

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Le 27 octobre 2005 au soir, Zyed Benna et Bouna Traoré, âgés de 17 et 15 ans, meurent électrocutés dans un transformateur EDF à Clichy-sous-Bois (93). Leur mort, qui fait suite à une course-poursuite avec un équipage de la BAC, est souvent pris comme point de départ des trois semaines de révoltes qui secouèrent dans un premier temps les quartiers populaires français, avant de prendre de court la totalité du pays. Un moment que l’on a pris pour habitude d’appeler sommairement “les émeutes de 2005”. 

Durant trois semaines, 15 ans après, LaMeute revient sur différents aspects de ces révoltes.


La date est quelque peu tombée dans l’oubli. On voit çà et là pourtant, sur les réseaux sociaux, sur les comptes de personnes issues des quartiers populaires, sur les comptes des miliant•es antiracistes, leurs deux visages souriants mis côte-à-côte. Zyed à gauche. Bouna à droite.

Le 27 octobre 2005, Zyed Benna, Bouna Traoré, Muhittin Altun et leurs amis se rendent de Clichy à Livry-Gargan, ville voisine, pour un match de foot. C’est les vacances de la Toussaint. C’est le Ramadan. Zyed est d’origine tunisienne, Bouna mauritanienne, Muhittin est d’origine turque. Ils ont promis à leurs parents de rentrer pour le ftour, la rupture du jeûne.

Sur le chemin de retour du stade, le groupe d’amis croise un équipage de la BAC en opération. La police dira qu’elle a été appelée par un voisin, suspectant les jeunes de vol sur un chantier, ou ayant peur qu’ils ne se blessent (ce qui est alors un mensonge, comme le montrera plus tard l’enquête). La BAC poursuit la dizaine de jeunes, qui s’enfuient dans tous les sens.

Que vont dire leurs parents en apprenant qu’ils sont au poste ? Quand vont-ils manger ? Que leur feront les policiers, qui s’en prennent toujours aux mêmes ? On ne sait pas quelles sont les questions qui leurs sont venues en tête. Reste que - jeunes et apeurés légitimement par la BAC, ils s’enfuient.

La suite, on la connaît. Zyed, Bouna et Muhittin se réfugient dans un transformateur EDF et sont électrocutés ; les deux premiers meurent sur le coup. Mais on pense trop souvent connaître toute l’histoire. On se dit souvent que les jeunes du quartier ont simplement explosé de colère, et que cette colère s’est propagée à l’ensemble des quartiers, émus par l’histoire de ces trois jeunes.

Les faits sont plus complexes, leur enchaînement est moins caricatural…


Quelques dates clés


Le 27 octobre, les jeunes des quartiers de Clichy descendent, en effet, dans la rue. La saturation policière dans les quartiers, ainsi que l’absence d’explications de la part des autorités confortent les jeunes dans leur version des faits : la police tente d’étouffer une “bavure”. Durant deux jours, les jeunes des quartiers populaires de Clichy et de Montfermeil - commune mitoyenne - érigent des barricades, enflamment le mobilier urbain et quelques voitures. Ces premiers jours de révoltes sont racontés en images dans le film de Ladj Ly 365 jours à Clichy-Montfermeil.


Le 29 octobre, une marche blanche rassemble des centaines de personnes. Les élus locaux s’égosillent en appels au calme, tandis que les jeunes se sont organisé-es : t-shirts blancs et banderoles recouvertes des mots “Zyed Benna - Bouna Traoré - Morts pour rien”. Au mégaphone, iels tentent de s’exprimer et de faire de cette marche un moment de discours politique. Les médias seront imperméables à leurs prises de paroles, faisant le choix de se focaliser sur les violences des nuits passées, et les appels au calme de la classe politique.


Le 30 octobre, au JT de TF1, Nicolas Sarkozy (alors ministre de l’intérieur) nie l’implication de la police dans l’affaire. Cinq jours plus tôt, en visite à Argenteuil, Sarkozy qualifiait les jeunes de quartiers de “racailles”, et affirmait qu’il allait “s’en débarrasser”. Ses interventions crispent toujours plus les jeunes des quartiers. Ce même jour, après son interview, la police lance une grenade lacrymogène dans la mosquée de Clichy. Le fait est important. Les révoltes, qui s’étaient calmées, reprennent plus fortement.

Du 31 octobre au 7 novembre, la situation échappe totalement au contrôle de l’Etat. Les jeunes s’indignent partout. Dans un premier temps, les révoltes gagnent tout le 93, puis toute l’Île-de-France, avant d’atteindre tous les quartiers du pays : près de 300 communes sont touchées. Au plus fort de la crise, près de 1 500 voitures (principalement d’entreprises ou de police) sont brûlées en une seule nuit, et des milliers de jeunes finissent en garde-à-vue et/ou en comparution immédiate. Les jeunes dénoncent un racisme latent, une précarisée généralisée dans les quartiers, et l’absence criante d’avenir pour les populations issues de l’immigration, ainsi que pour les classes populaires en général.

Ces heures-là ne se résument pas à une simple pratique émeutière : à Lyon, à Nantes, en région parisienne par exemple, des manifestations sont organisées en plein centre-ville pour dénoncer les conditions de vie en quartiers.

La presse s’emballe, les politiques paniquent.


Le 8 novembre, le gouvernement met en place l’état d’urgence pour enrayer la crise politique et sociale entamée par les révoltes. L’état d’urgence, contre des gamins.
Les diverses gauches, plutôt sourdes aux sollicitations des jeunes et muettes sur la gravité de la répression, s’indignent d’une telle mesure restrictive pour les libertés fondamentales. Des manifs sont organisées un peu partout pour forcer les maires à ne pas appliquer le couvre-feu décrété en conseil des ministres.


Du 9 au 17 novembre, les révoltes sont en décrue, du fait des moyens colossaux déployés pour stopper la crise. Trois hélicoptères survolent en permanence l’Île-de-France et 11 500 policier-es sont mobilisé-es. 

Au bout de 21 jours, les révoltes semblent avoir cessé.


Notre tâche, pour les semaines qui suivent, sera d’expliquer les différents aspects de ces révoltes afin de les réhabiliter, à une heure où la haine des personnes de confession musulmane et les propos racistes en général se font dans la lumière du couvre-feu, et par-dessus le bruit des bottes de la police. Il nous paraissait important de revenir en profondeur sur ces révoltes, afin de toustes nous éclairer sur notre période, et sur les temps à venir. D’en donner une lecture claire, après le mouvement des Gilets Jaunes, après les grèves de décembre, après les révoltes qui ont lieu pendant le confinement, et pendant cette période très préoccupante de couvre-feu, durant laquelle on assiste à la montée inexorable du tout-sécuritaire (notamment après le drame de Conflans-Sainte-Honorine). Après tous ces moments durant lesquels de plus en plus de gens ont pu constater quelles sont les méthodes de la police, et des politiques qui les cautionnent.




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MERCI POUR VOTRE LECTURE

La réalisation de ce reportage a nécessité 3 personnes et environ 3 heures de travail.

- Texte et mise en page : Graine (qui a travaillé pendant 2 ans sur les révoltes de 2005)

- Relecture : Jaya et Mes

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