La « Maison des peuples » / Haut lieu de convergence pour l'anniversaire des Gilets jaunes
Dans l'après-midi du 16 novembre, la « Maison du peuple » voit le jour en marge des divers rassemblements qui font rage dans Paris.
Située au 102b rue de Bagnolet ( 20e), l'ancienne salle de concert La Flèche d'or est investie par une vingtaine de collectifs militants aux alentours de 15h. L'info est donnée ; la « Maison des peuples » est née, et des appels à la rejoindre sont lancés.
Un « Banquet de l’Élysée » est prévu pour le soir-même afin de célébrer l'anniversaire du mouvement des Gilets jaunes après une journée de manifestations fortement réprimées.
Originellement une ancienne gare donnant sur la petite ceinture, l'endroit devient par la suite une salle de concert pour enfin muer en un lieu de rassemblement populaire et festif le temps d'une nuit.
RÉCIT EN IMAGES.

La façade de La Flèche d'or , au 102b rue de Bagnolet à Paris. L'emplacement de la Maison des Peuples est hautement stratégique pour les occupants qui dénoncent la gentrification de ce quartier encore populaire, chassant toujours plus violemment les plus démunis. Selon les informations de Reporterre, La Flèche d'or fait partie des actifs du groupe d'investissement international Keys AM après son rachat par la filiale Keystone Flèche. L'occupation se veut donc une réappropriation d'un espace autrefois ouvert à tous, qui se retrouve aujourd'hui aux mains d'investisseurs.
La Maison des Peuples a pour vocation d'accueillir militant.es écologistes, Gilets jaunes, mal logé.es, transpédégouines, queer, chômeuses.eurs précaires... C'est à la fois un lieu d'accueil, de débat et de solidarité, pensé comme un laboratoire d'actions nourri d'intelligences collectives. Un communiqué précise leurs revendications communes : « Les violences, les oppressions, les menaces qui nous touchent ont en commun d’être les conséquences directes d’une capitalisme de plus en plus autoritaire. ».

Un panneau installé dans la salle principale répertorie les collectifs soutenant l'initiative. L'idée de convergence dépasse largement le cadre parisien et les revendications s'étendent même hors des frontières françaises. Dans la soirée, la liste s'allonge tant que deux autres panneaux sont ajoutés au mur. Dans leur communiqué, les collectifs se veulent fédérateurs : « Parce que nos gilets sont jaunes, noirs, verts, rouges, oranges, violets… ou parce que nous sommes sans-gilet, nous invitons tous les peuples, en réflexion, en expression et en action. »

La première AG a lieu à 19h. Des personnes à l'initiative de l'occupation prennent la parole : « L'un de nos objectifs est de préparer à la grève du générale du 5 décembre prochain. », « Anticapitalisme, antiracisme et antisexisme sont les trois grands principes du lieu. » Les participant.es s'organisent en quatre commissions : accueil, animation, logistique et communication, et invitent à participer quiconque le souhaiterait. Certaines personnes témoignent de leurs impressions sur la journée de manifestations qu'ils viennent de vivre : « Moi je dis qu'il y en a marre de se faire gazer et matraquer à chaque fois ! Il faut qu'on change de stratégie ! »

Des éditions de Plein le dos sont vendues à prix libre sur un stand et dont les bénéfices sont reversés aux victimes des violences policières. Une librairie errante et un infokiosque sont également présentes dans la salle

Le collectif des Chiliens Révoltés a décoré la salle de drapeaux chiliens. Les occupant.es affichent clairement leur solidarité aux peuples révoltés du monde entier.

Alors que la foule ne cesse de grossir, les occupant.es s'activent en cuisine pour installer une cantine à prix libre. Dans la salle, des groupes se sont formés pour débattre, et organiser les différentes commissions.

Un représentant de la société propriétaire du lieu fait apparition en début de soirée. Quelques personnes se désignent pour dialoguer et éviter tout conflit. Dans un cadre préventif, les collectifs ont tapissé la salle de messages invitant les occupants à respecter le lieu en limitant le niveau sonore et à ne boire que peu d'alcool. Un rendez-vous est pris avec le représentant et des membres des collectifs.

La façade qui donne sur la rue de Bagnolet est tapissée de drapeaux, la cour grouille de monde. Quelques passant.es intrigué.es par la centaine de personnes présentes s'arrêtent sur le trottoir. Une femme intervient l'air amusé : « Cela faisait longtemps qu'il n'y avait pas eu autant de monde ici ! »

A l'intérieur, la fête bat son plein. Dans une ambiance de fête d'anniversaire, les occupant.es rendent à cet espace son âme initiale. Iels dansent et chantent au gré de la musique en secouant gilets jaunes et parapluies.

Des dizaines de personnes se préparent à passer la nuit sur place suite à l'appel du communiqué. Des duvets et sacs à dos sont entassés dans un coin, des matelas sont mis à disposition. Un dortoir non-mixte est proposé aux personnes le désirant.

Vers 22h, La Fanfare Invisible interprète le chant de révolte Bella Ciao. Tout le monde chante en choeur devant la scène dans un élan de camaraderie.

Dimanche 17 novembre, en début de soirée. L'appel est lancé, les forces de l'ordre évacuent la Maison des Peuples. De part et d'autre de la rue de Bagnolet, des dizaines de personnes sont venues soutenir les expulsé.es. Lorsqu'iels tentent de passer à travers le cordon policier, iels sont rembarré.es à coup de grenades assourdissantes et lacrymogènes. A l'intérieur, une trentaine de personnes se voient relever leur identité. Celleux qui ne peuvent / veulent pas justifier de leur identité sont embarqué.es. Un camion de la BAPSA (Brigade d'Assistance aux Personnes Sans-Abri) est garé devant l'entrée du bâtiment.

Les habitant.es du quartier observent l'évacuation de leur appartement. Certaines.s sont mêlé.es à la foule, empêché.es de rentrer chez elleux. La BAC est cachée dans les petites ruelles alentours alors que les policiers bloquent totalement l'accès à la rue de Bagnolet, LBD en main.

L'expulsion prend fin vers 18h. En théorie, le lieu n'était pas expulsable car ses occupant.es l'habitaient depuis plus de 48h. Les forces de l'ordre, bien peu inquiètes de ce fait, commencent à replier bagage sous les slogans de la foule « Flics, violeurs, assassins ! »
A ce jour, mardi 19 novembre, les personnes interpellées lors de l'évacuation ont été relâchées.