Une marche à Stains pour porter la voix de Nordine et de sa copine
Dans la nuit du 15 au 16 août 2021, une nouvelle affaire de violences policières dans un quartier populaire a eu lieu. Pour un « refus d’obtempérer » lors d’un contrôle routier, neuf balles ont sifflé et se sont logées dans les corps de Nordine, au volant d’un véhicule, et celui de sa copine qui dormait, coté passager. Le 21 août, la famille et les proches des deux victimes ont voulu faire « éclater la vérité » lors d’une marche qu’iels ont organisé.
La marche, qui débutait devant la mairie de Stains (93), ce samedi 21 août 2021, a réuni une petite centaine de personnes -proches ou non de Nordine- qui souhaitaient afficher leur soutien aux deux victimes blessées par les tirs de la police cette nuit du 15 au 16 août. Une marche qui s’est déroulée sous les yeux de deux voitures de la BAC (Brigade Anti-Criminalité) -dont font partie les policiers mis en cause dans ces violences- qui suivaient de très près le cortège, fenêtres ouvertes, sourires en coin et ricanements.
De nombreuses personnes ont également envoyé des messages de soutien à la famille sur les réseaux sociaux, car la vidéo, qui a été très largement partagée, a beaucoup choqué.
Les proches des deux victimes ont pris tour à tour la parole alors qu’ils se trouvaient sur les lieux où le drame a eu lieu . Iels racontent les faits selon les premières confessions des victimes, s’indignent du silence de l’institution policière et affichent leur détermination pour obtenir justice pour Nordine et sa copine, dont l’identité n’a pas encore été dévoilée.
MYSTÈRE OPAQUE POUR LA FAMILLE LE JOUR SUIVANT
Ce n’est que le lendemain de l’attaque, vers 16h, que la famille apprend la nouvelle, précise la nièce de Nordine. Ce qui n’était d’abord qu’un simple screenshot - dans le portable de la nièce - d’un article de presse évoquant un “conducteur et sa passagère, grièvement blessés” par la police de Stains se révèle être une affaire plus personnelle lorsqu’un ami reconnaît la voiture de Nordine via la vidéo de l’incident qui, dévoilée par le média en ligne l’Echo des Banlieues, circule activement sur les réseaux sociaux. C’est d’abord l’angoisse, la douleur puisque la famille pense d’abord - comme cela circule sur le web - que leur proche a été tué.
Sans information, ni de la part de la police, ni de l’hôpital, la famille se décide tout de même à partir à la recherche de Nordine et de sa copine. Iels vont d’abord à la clinique de Stains qui leur indique que Nordine se trouve à l’hôpital Pompidou de Paris. Arrivé•es à Pompidou, la famille subit un contrôle de police et on leur interdit d’entrer dans l’hôpital. La famille rétorque avec insistance avant d’être autorisée à pénétrer dans l’hôpital. Alors qu’ils pensaient que Nordine était mort, on leur apprend qu’il est vivant mais que son pronostic vital est engagé.
L’hôpital n’a jamais appelé la famille car Nordine avait été placé sous X; son identité n’était donc pas connue par le personnel de santé. Iels attendront alors 5h sans pouvoir voir Nordine. Iels reviennent le lendemain car iels veulent s’assurer de leur propres yeux qu’il est vivant. Une personne peut finalement rentrer pour quelques minutes. Il est sorti du coma et bien vivant.
En repartant, la famille est escortée par la police.
En parallèle, la compagne de Nordine a, elle, été emmenée à l’hôpital de la Salpêtrière (Paris) et est sortie du coma en même temps que Nordine. Tous les deux sous morphine : ce sont des « miraculé-es » comme le disent de nombreux membres de la famille.
Sur les neuf balles tirées, Nordine a reçu huit éclats de balles logés dans le corps mais aucun organe vital n’a été touché. Même chose pour la jeune femme qui a pris trois balles dans le bas du dos. En sortant du coma, Nordine et sa copine ont pu apporter des indications sur la réalité des faits.
« C’EST UN LYNCHAGE »
Il était 1h du matin, ce 16 août 2021, lorsque Nordine et sa compagne rentrant de vacances ont été violemment attaqué•es par des policiers en civil de la BAC de Stains. Dans la vidéo, nous pouvons voir une voiture qui recule puis avance rapidement, un homme dessus puis, tout à coup, deux autres hommes à côté qui sortent leurs armes à feu et tirent neuf fois de suite sur les deux passagers dans la voiture. Aucun des policiers ne semble identifiable.
Dans les heures qui ont suivies, la vidéo a déjà fait le tour des réseaux sociaux, l’indignation est très forte, proportionnellement aux faits d’une extrême violence. La rumeur selon laquelle le couple est décédé circule. La journée suivante, on apprend néanmoins que Nordine et sa copine sont finalement vivants, mais que leur pronostic vital est bel et bien engagé.
Arrive alors rapidement la préfecture de police de Seine-Saint-Denis (93) qui lance la machine de contre-réponse pour décrédibiliser ceux•celles qui demandent justice et justifier les actions des policiers.
Fait rare : la préfecture de police finit par publier, rapidement, une vidéo de "décryptage" sur le réseau social Twitter, dans laquelle leur porte-parole livre leur version des faits (un refus d’obtempérer) et essaye de calmer la polémique. Pourtant, comme la cousine de Nordine l’a indiqué « la BAC de Stains n’avait pas de brassard, pas de gyro, ils n’avaient rien “. Elle a également affirmé :
“Ils ne se sont même pas présentés en tant que policiers . Mon cousin ne savait pas que c'était la police, il ne pouvait pas être au courant ».
Les policiers qui ont ouvert le feu ont été placés en garde à vue pour homicide volontaire et sont ressortis en moins de 24 heures.
“On veut juste la vérité”
C’est un long combat qui attend la famille de Nordine et de sa copine pour obtenir Vérité et Justice dans cette affaire. Un combat juridique mené par Yassine Bouzrou, l’avocat désigné par la famille. La famille a par ailleurs ouvert une cagnotte pour aider à payer ces frais judiriques.