[PORTFOLIO] A Beaumont-sur-Oise (95), la solidarité comme arme contre la précarité
Les quartiers populaires sont les plus touchés par la crise sans précédent que nous vivons depuis l’apparition du COVID-19. A la crise sanitaire due à la pandémie se sont mêlées des crises politiques, économiques et sociales dont les conséquences sont les plus visibles là où la précarité sanitaire et le chômage sont déjà la norme. Reportage à Beaumont-sur-Oise ce samedi 16 mai, où une distribution solidaire tâchait de palier aux manques de l’Etat.
La file d’attente est déjà longue à notre arrivée. Il est 14h30 dans le quartier de Boyenval, à Beaumont-sur-Oise (95), le quartier où vivait Adama Traoré. On connaît bien ce quartier, plombé ce jour-là par le soleil printanier. Un sourire un peu triste aux lèvres, Youcef Brakni du Comité Vérité et Justice pour Adama, nous souffle : “Le quartier a encore changé. Ça fait 4 ans qu’on continue de venir là, n’empêche…”
A quelques mètres de la fresque en la mémoire d’Adama, emporté par les gendarmes le 19 juillet 2016, des dizaines de petites familles patientent, excitées, distanciées d’au moins un mètre, qu’Assa Traoré ne donne son feu vert. Un peu plus loin, des montagnes de jouets, de cartables, d’accessoires en tout genre, de produits d’hygiène, de chaussures et de livres n’aspirent qu’à trouver preneur. On est venu-es d’un peu partout, de Beaumont mais aussi des villes environnantes. En quelques minutes, c’est un véritable défilé d’enfants, le sourire jusqu’aux oreilles, qui anime le quartier. Le juste réconfort après deux mois d’un confinement dur à supporter pour des quartiers populaires comme Boyenval où la précarité avait déjà son lot de malheurs.
Plus tôt dans la journée, 350 colis alimentaires ont été distribués, livrés aux familles qui en avaient fait la demande auprès du Comité. Des pommes de terres, des pâtes, des boîtes de conserves, quelques boissons… Des quantités astronomiques de nourriture qui ont été amassées grâce à un formidable réseau que le Comité s’est créé au fil des ans. Pour y parvenir, il a fallu compter notamment sur le soutien d’Hélène et Omar Sy, ainsi que sur des associations de quartiers telles que Banlieues Santé ou bien Esprit d’Ebène. Des masques en tissus ont également été confectionnés par l’association Mali Lemounou, et des cartons pleins de couches et de lait pour nourrissons ont été collectés. Et comme toujours lorsqu’il s’agit de Beaumont-sur-Oise, ce sont les jeunes du quartier qui se sont organisé-es par et pour le propre compte. Lorsque l’on demande à Assa Traoré comment le Comité s’est démené pour amasser tout ça, elle répond simplement : “Et encore, on a pas tout pris…”
Dans la crise actuelle du COVID-19, il a bien trop souvent fallu compter sur soi-même, et d’autant plus du côté des quartiers populaires. A bien des égards, la République s’est perdue sur le chemin de ces territoires, et le désengagement de l’Etat via ses services publiques n’y est que d’autant plus criant. Pour une telle distribution, il n’a fallu compter que sur une solidarité propre à nos classes populaires. Là où la distribution a permis de nourrir des familles en hôtel social, des foyers de travailleur-euses, des parents isolé-es, l’Etat et la maire de Beaumont n’ont pas trouvé mieux à faire que d’envoyer des gendarmes surveiller l’événement.
A la fin de la distribution, l’excédent est distribué dans la ville voisine de Persan, devant des supermarchés, à la mosquée ou bien dans les parcs publics où les enfants profitent enfin du déconfinement.
Pour Assa, ses frères Youssouf et Samba, et pour le reste du Comité, aucun doute : d’autres distributions auront lieu, tant qu’elles seront nécessaires.