Marche contre les féminicides : entre la rue et la Justice, le gouffre

Minute de silence lors de la marche contre les féminicides du 25 juin 2021.

Minute de silence lors de la marche contre les féminicides du 25 juin 2021.

A l'initiative des colleureuses, environ un millier de personnes ont manifesté dans les rues de Paris contre "les féminicides et l'inaction de l'Etat", vendredi 25 juin. Pendant sa marche, le cortège a appris le verdict dans l'affaire Valérie Bacot.

Après les murs, la rue. Depuis deux ans, iels saturent l'espace public des noms des victimes du patriarcat. Ce vendredi 25 juin 2021, iels avaient, cette fois-ci, appelé à une marche pour rendre hommage aux 56 femmes décédées sous les coups de leur conjoint ou ex depuis le début de l'année (57 depuis dimanche dernier, NDRL).

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Le combat d'une génération?

Les colleureuses ont été rejoint en début de soirée par plusieurs centaines de manifestant-es, souvent très jeunes, qui portaient à bout de bras les 56 pancartes entassées en début de manifestation. "On les rassemblera toutes à la fin. Ne rentrez pas chez vous avec", prévient avec précaution une jeune femme, membre du mouvement des Colleuses.

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Parmi la foule, des familles de victimes ont également fait le déplacement. "On pense toujours que cela n'arrive qu'aux autres", admet Lucie P, qui a perdu sa sœur Julie, le 25 juin 2019, après que cette dernière ait reçue des menaces de mort de la part de son ex. "Quand cela nous est tombé dessus, on était perdu, on ne savait pas vers qui se retourner. En venant aujourd'hui, c'est un peu ma manière de rattraper le temps perdu : cette marche montre aux autres familles qu'elles ne sont pas les seules à traverser cette épreuve", explique Julie.

Sur son passage, le cortège reçoit son lot d'applaudissement et d'encouragement de la part des passant-es. Beaucoup empoignent leurs téléphones pour filmer la marche qui hurle des "Nous sommes fortes, nous sommes fières, et féministes et radicales et en colère" sonore.

"Je trouve cela très émouvant de voir ce slogan être repris par de très jeunes militant-es. Il en a fait du chemin!", avoue une marcheuse.

Sur les pancartes, les références à l'actualité se succèdent. Des féminicides commis alors que la victime avait déposé de nombreuses plaintes, à la situation de la star planétaire Britney Spears -placée sous la tutelle de son père depuis 13 ans : "Tous les jours je suis surprise par l'audace du patriarcat", lâche une manifestante. "Dans le cas de la chanteuse, tout le monde savait; tout le monde voyait ce qui était en train de se passer. C'est ce système qu'il faut désigner, plutôt que les individus", indique-t-elle.

Terreur judiciaire

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« Depuis que Jacqueline Sauvage a assassiné son mari violent, d’autres femmes victimes de violences ont fait de même. (...) Au total, en France, entre 2012 et 2018, 78 femmes ont assassiné l’homme qui les maltraitait. Où sont leurs noms? Où sont leurs histoires? Où sont les grâces présidentielles? »
— irene. La terreur féministe : petit éloge du féminisme extrémiste. Editions divergences

Pendant la manifestation -qui allait de Châtelet à la rue de la Paix dans le 9ème arrondissement, les manifestant-es espèrent, à l'unanimité et sans nuance, l'acquittement de Valérie Bacot, jugée au même moment pour le meurtre d'une balle dans la nuque de son mari, violent et proxénète. Elle risquait la perpétuité pour assassinat. A la notion judicaire de préméditation, les manifestant-es rétorquaient celle de légitime défense permanente.

Finalement, peu avant l'arrivée, le couperet tombe : Valérie Bacot est jugée coupable mais n'effectuera pas de peine supplémentaire en prison. "Ils sont malins car les magistrats prétendent être cléments alors que cela sera quand même marqué noir sur blanc sur son casier", fulmine une manifestante. Dans son réquisitoire, l'avocat général avait requis une peine de plusieurs années de sursis ainsi qu'une année de prison ferme, en soulignant que Valérie Bacot ne représentait aucun danger pour la société. En oubliant de préciser que la femme avait déjà passé une année en détention provisoire.

Plus tôt cette année, une femme a été condamnée à une peine de 12 année de prison ferme dans une affaire similaire. Souvent, dans les affaires de femmes qui tuent leurs maris violents, la préméditation est reconnue contrairement aux féminicides -qui étaient appelés "crimes passionnels" il y a encore peu.

Espérant un changement de paradigme, les manifestant-es semblent avoir déjà gagné le terrain des idées.

"On continuera de marcher autant que nécessaire", promettent deux étudiant-es, dont un garçon, qui participait alors à sa toute première manifestation féministe.

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La réalisation de ce reportage a nécessité 2 personnes et environ 10h de travail.

- Photos, Texte et Mise en page: Mes

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